Trouver de quoi tenir

Un sac de plastique traversa mollement le parking désert, accentuant le silence écrasant les lieux. 8h36, nous sommes aux ruines de l'entrepôt.
Accroupi en haut d'un tas de gravats, Doyle observait les lieux au travers de sa lunette de visée, la mâchoire serrée, la concentration crispant les traits de son visage.

Ils étaient à présent tout juste une vingtaine à la mairie, depuis la mort récente de Hugues et Stevenson. Les pauvres bougres s'étaient fait encercler par une meute de contaminés à quelques pas de là, il y a deux semaines. Les cadavres ambulants ne leur avaient laissé aucune chance. Les cris n'avaient pas duré longtemps.
Ce genre d'incident se produisait de plus en plus fréquemment au fil des mois, à mesure que l'infection gagnait la ville et grandissait les rangs des non-morts. En parallèle, le nombre de vivres et de stocks de munitions disponibles chutaient considérablement. Il est difficile de tenir face à des hordes de zombies avec un chargeur par personne, d'où la nécessité de cette mission, fouiller l'entrepôt. Doyle espérait simplement ne pas finir comme Stevenson, dont un des bras pourrissait encore sur le bitume. Rasant d'un dernier coup d'oeil la place déserte, le tireur tourna sa tête et adressa un signe à Elias.

- La voie est libre, on y va.

Et puis, comme pour se rassurer:

-... Le colonel nous couvre.

L'avantage avec le colonel, même si son titre ne servait plus à rien, c'était sa faculté à ne jamais rater sa cible. Cela serait inutile contre cinquante infectés, mais restait tout de même un petit encouragement à ne pas négliger.
Les cent mètres qui séparaient les deux miliciens des ruines paraissèrent s'étendre subitement en longueur, alors que le petit sachet continua de voleter paresseusement dans les airs, avant de s'acrocher à une poutre qui dépassait des décombres.
Doyle prit une inspiration, puis s'élança en avant, tous les sens aux aguets. Le sprint promettait d'être éprouvant, mais impossible de prendre le risque de marcher en terrain découvert. Krill ou pillards, l'occasion leur serait trop bonne.

Dix mètres. Vingt. Trente. La distance qui devait être parcourue en vingt cinq secondes prit des mesures disproportionnées, comme dans un mauvais rêve. Quelques gouttes de sueur à son front, Doyle craignit durant toute la course qu'une foule mortelle se présente face à eux, prêt à les accueillir avec hargne...

Mais rien ne se produisit.

Le petit groupe était suffisamment discret de par son nombre restreint, et ses mouvements rapides. Les miliciens atteignirent bientôt les premiers décombres, et leur pas résonnèrent sur le gravas disséminé sur les lieux. Une odeur de poussière planait sur les lieux, et l'horizon était masqué par des tas de pierre et de poutre planté de ci et de là comme des tombes anonymes. Il ne restait plus qu'à déterrer les morts et repartir avec.
Se rappelant un peu des lieux malgré leur état de déchéance, Doyle inspecta la zone en recherche du quartier de matériel. Fouiller là où se trouvait les véhicules ne leur servirait pas à grand chose! Toujours anxieux, le récupérateur fit de nouveau signe à Elias, jetant un coup d'œil nerveux aux alentours, et parlant d'une voix étouffée:

- Je crois que c'est par ici. On va devoir enlever ces plaques de tôle un peu partout. Ça va faire un peu de bruit donc on va faire vite. On soulève ensemble à 3, ok?

Malgré les matériaux légers utilisés pour ces plaques, les gravas dessus rendraient la tache plus difficile.

- 1...

Les pierres glissant sur le fer allaient faire pas mal de bruit...

- 2...

Le colonel était pas loin, hein?

- 3!

Et la plaque fut levée. Le bruit que vous produisez se reproduit en écho plusieurs fois, tout comme les battements de vos petits cœurs apeurés.

L'effort n'aura pas été vain, car une fois l'obstacle dégagé, une petite caisse de matériel défoncée se présente. Du polystyrène dépasse par les lattes de bois craquées en deux, et l'on peut deviner à l'intérieur de l'équipement fragile.
Et pour cause, la boite contient un pack de quatre obus de mortier. Dommage, il n'y a pas le mortier avec. Il n'empêche que, avec un lanceur ou à la main, ces petites douceurs exploseront à la moindre chute.

Spoiler:

Mais pendant que vous contempliez, béas, le fruit de vos trouvailles, un coup de feu retentit d'un des immeubles aux alentours, suivis d'un bruit mat, derrière vous. C'était un homme de race noire, robuste, à la musculature forte et la contamination avancée, au vu de l'état nécrosé de sa peau.
Une balle en pleine poitrine d'un gros calibre ne pardonne pas, même à cette distance. Cependant, encore un peu à gauche et le zombie vous serait tombé dessus. On perd la main, Colonel?..



Il y a des ombres aux fenêtres.